La découverte de l'atout
À l'instar
de nombreux autres jeux de carte, le bridge
caractérise parfois une couleur en lui conférant des pouvoirs spéciaux;
cette couleur
s' appelant l'atout. Mais à la différence de la belote ou du whist, par
exemple, le choix de l'atout
au bridge est toujours le fait des joueurs eux-mêmes, dans le cadre
de la séquence d'enchères.
Ce chapitre précise les attributions de l'atout
et la façon de le choisir.
Les limites du
jeu à Sans-Atout
La seule règle à laquelle est
astreint le joueur de bridge est celle de fournir dans la
couleur demandée. Mais seules les cartes de celle-ci permettent de remporter la levée lorsque le contrat se joue à Sans-Atout, comme
dans l'exemple
suivant.
Imaginons désormais que les règles ne soient plus tout à fait
identiques et que le déclarant puisse s'opposer
au défilé des levées
dans une couleur de l'adversaire, en ayant la
possibilité
de choisir, pendant
les enchètes, une couleur qui possède un privilège, un pouvoir
particulier : celui de remporter la levée quand elle est fournie alors qu'on ne
possède
plus de carte dans la couleur demandée.
Cette couleur
portera le nom d'atout.
L'atout est une couleur choisie par le camp du déclarant.
Elle possède un pouvoir particulier : celui de remporter la levée
quand elle est fournie si on ne possède plus de cartes dans la couleur demandée .
L'exemple
choisi,
volontairement
caricatural,
a montré les limites du jeu à Sans-Atout, puisque,
en dépit de la possession
de 35 points
HL, le déclarant a lourdement chuté. Pour gagner le
contrat, il aurait
fallu
ne concéder
qu'une
seule levée
à Pique.
Si le camp du déclarant avait choisi
les Cœurs comme atout,
Sud aurait pu, dès
la deuxième
levée, intervenir
sur le déroulement
du coup; ne possédant
plus de
cartes
à Pique, il aurait
eu l'option
de fournir
un atout et ainsi
remporter la deuxième levée
avant de réaliser toutes les
autres.
Fournir un atout
quand on
est
dépourvu
de la couleur demandée
s'appelle couper.
Remarque : lorsque l'atout n'est pas utilisé pour couper,
il se joue comme une autre
couleur : il est obligatoire de fournir et la hiérarchie des cartes est identique.
La coupe
Couper,
c'est fournir un atout,
avec la possibilité de
remporter
la levée, lorsque
l'adversaire demande
une couleur
que l'on
ne possède pas.
Bien sûr, il est
impossible de
couper tant qu'on
possède
des cartes dans la couleur
demandée.
Dans l'exemple ci-dessus, le déclarant
n'a pas le droit de
couper l'entame. En revanche, quand
il a fourni à Pique
à la première
levée, il peut couper lors du
deuxième tour
de la
couleur. Toutefois cette même
possibilité
est offerte
aux autres joueurs.
Examinons l'exemple suivant.
Il possède en effet 22 points
HL,
son partenaire
12; leur force
combinée
est donc suffisante
pour
jouer un chelem. Toutefois il est
aisé de consta
ter que le contrat
de 6SA
est mort-né sur
l'entame
de la Dame de Carreau. La possibilité de déterminer une couleur
d'atout et
de jouer
ainsi des contrats
viables
enrichit
le jeu.
Reprenons la même
donne
à l'atout
Pique: le
déclarant
perd
la première levée et
a la possibilité,
sur la continuation
Carreau,
de couper le deuxième tour de la couleur,
ce qu'il
fait.
Imaginons qu'il
décide
alors de jouer
l'As puis le Roi de Trèfle. Ouest, ne possédant qu'une
carte dans la
couleur jouée
(Trèfle) peut
lui aussi couper
(et c'est
son intérêt
puisque
cette deuxième
levée
permettrait de faire chuter le contrat).
Attention
donc, de
la même façon
que fournir était
une obligation
pour les quatre joueurs, couper est une possibilité pour les quatre joueurs.
Mais
ce n'est
pas obligatoire: un joueur
peut parfaitement
décider
de ne pas
couper.
Couper n'est pas une obligation.
Inversement,
deux joueurs peuvent être
amenés, quelquefois,
à couper dans la même
levée.
Surcouper : lorsqu'un joueur coupe et que le joueur qui le suit produit un atout plus fort, il
surcoupe et remporte
ainsi la levée.
De la même
façon, on dira qu'un joueur sous-coupe, lorsqu'il
coupe avec
un atout moins fort que celui fourni par
le joueur
qui le
précède .
Couper,
surcouper, sous-couper
ne sont pas des manœuvres obligatoires.
Une nouvelle procédure pour déterminer le contrat
final
Dans les
situations évoquées
précédemment,
il fallait
éviter
de jouer
à Sans-Atout, donc choisir
un atout. Etant
donné le pouvoir
de celui-ci, ce choix
doit porter
sur une couleur
dans laquelle
le camp du déclarant possède significativement
plus de cartes que
la défense.
L'expérience
a montré
qu'il est intéressant
en général de
choisir comme atout une couleur
où le
camp possède
un minimum de
huit cartes, ce qui n'en
laisse que
cinq aux
adversaires.
Pour effectuer ce choix, l'ouvreur
a besoin de connaître
le nombre
de cartes exactes détenues par son
partenaire dans chaque
couleur. Jusqu'alors,
pour la détermination
du contrat
final, il ne disposait
que d'une
information
relative
au nombre de points.
Afin de
pouvoir choisir
un atout,
une nouvelle
procédure, celle
dite
des «petits papiers»,
va être utilisée.
Imaginons que le partenaire de l'ouvreur
possède :
Imaginons que le partenaire de l'ouvreur
possède :
|
A
9 7 5 3
R
D 6 4
2
9
7 3 |
|
Il dispose d'un
petit papier qu'il va
devoir compléter.
Ce «petit papier» ainsi
complété est
transmis
à l'ouvreur, qui additionne les informations reçues aux données de
son propre jeu et
qui décide
de jouer
(ou de faire
jouer
à son
partenaire) un contrat à Sans-Atout
ou à l'atout.
En effet, et c'est
une nouveauté,
le partenaire de l'ouvreur sera
déclarant s'il
possède
plus d'atouts que lui. Si, dans l'exemple précédent, l'ouvreur décide
de jouer à l'atout
Pique,
il dira :
- «Je joue le contrat
de 3
» s'il
possède
au moins autant de Piques que
son partenaire, c'est-à-dire
au moins 5.
- «Tu
joues le
contrat de 3
» si son
partenaire
possède
plus de Piques que lui.
Comme pour les contrats à Sans-Atout,
le palier du contrat est fonction de la force combinée des deux jeux.
Pour la déterminer, il va falloir prendre en compte une nouvelle grandeur
: les points de distribution, qui vont évaluer la capacité des
deux joueurs
à couper.
Les valeurs distributionnelles et les points de distribution
Jouer un contrat
à l'atout
permet
dans certains
cas d'arrêter
le défilement d'une couleur adverse, même
sans
y posséder
le moindre honneur.
4 3 2
2
A R D 8 6
V 8 3
A R D V 9
9 7 4 |
L'atout choisi est
Pique.
Ouest a entamé de l'As de
Cœur. Le déclarant
concède
la première levée.
Ouest poursuit
du Roi
de Cœur.
Le déclarant
peut, cette
fois,
couper grâce
à un atout du mort.
Il a eu
la possibilité
de réaliser cette levée
parce
qu'il
ne possédait qu'une carte dans la couleur demandée. Il
y était «court». Il possédait
une «courte» au
mort,
c'est-à-dire une
valeur distributionnelle.
Il sera
ensuite
possible au
déclarant de réaliser une deuxième
coupe au
mort, puisqu'il
possède
encore un Cœur
dans sa main.
|
Comparons, en effet, avec :
Cette
comparaison
montre que le nombre de levées
réalisables ne dépend
pas uniquement
des points d'honneurs. En effet, dans le premier exemple, le jeu de Nord a réalisé deux levées
avec zéro points d'honneurs lorsqu'il
était pourvu
d'une
courte
à Cœur assortie de la présence d'atouts.
Voilà qui
illustre à la
fois l'importance des
couleurs
courtes
ainsi
que l'énorme pouvoir
dont
dispose l'atout.
De la même façon
qu'on attribue des points
aux honneurs
et aux longueurs, il est
donc nécessaire d'en attribuer
à la possession
de «courtes», dans d'autres couleurs que l'atout
bien sûr. Ces points
représenteront
la capacité
à couper
rapidement.
il est
tout aussi logique
de donner
une valeur
à la possession
d'un
grand nombre d'atouts.
Cette fois,
c'est
la capacité
à réaliser les
coupes qui est en jeu.
Moins un joueur
possède de
cartes dans une
autre
couleur que
l'atout (0,1,2), plus
vite il pourra
couper et
moins il
perdra
de levées. En conséquence, lorsqu'un
joueur
ne possède
aucune carte dans une
couleur (on dit qu'il a une «chicane» dans
cette
couleur), il s'attribue
3 points dits «de distribution» ou points D. De
la même façon, lorsqu'il
ne possède qu'une
seule
carte,
on dit qu'il a un singleton et il s'attribue
2 points D. Avec
deux
cartes dans
une
couleur, il a un
doubleton et s'attribue
1 point D.
Par ailleurs, plus les
atouts
sont nombreux, plus le
potentiel
de la ligne sera
fort. Avoir
le minimum requis
(huit) donne déjà un avantage
certain sur l'adversaire (qui en
possède
cinq). Mais en détenir neuf
(et plus) permet sans
difficultés de purger les
atouts de la défense,
ce qui la prive de son
pouvoir
de coupe.
C'est cet
avantage
qui a conduit
à attribuer :
-
2 points D pour le neuvième atout du camp.
-
1 point D pour tout autre atout au-delà du neuvième.
|
Points
de distribution
Dans les couleurs autres que l'atout :
point de distribution pour un
doubleton.
points de distribution pour un singleton.
points
de distribution pour une chicane.
Dans
la couleur d'atout :
points de distribution pour le
neuvième atout du camp.
point de distribution pour tout
atout au-delà du neuvième.
|
|
Une remarque s'impose :
à partir
du moment
où le camp détient
un fit de neuf cartes,
c'est
que l'un
des deux joueurs possède une couleur au moins cinquième. Quand
ce joueur
a évalué sa
force avant
de connaître le
fit,
il s'est
attribué
un ou plusieurs pointes) de longueur. Ces points lui sont acquis
et seront ajoutés
aux points de distribution
liés au
nombre de ses atouts
et aux
courtes
de son jeu,
ceci afin
de prendre en compte l'ensemble du potentiel associé
à une longueur :
-
La
capacité
à générer
des levées de longueur est
évaluée
par les points de longueur. Elle est
indépendante du fait
qu'un atout soit
choisi.
-
Si cette
couleur est choisie
comme atout, le pouvoir
de coupe, d'autant
plus important
que les atouts
sont nombreux, est évalué par
les points de distribution.
Lorsqu'une
couleur est choisie comme atout, les
points de distribution qu'elle génère sont
ajoutés aux éventuels points de longueur de l'évaluation initiale.
Le
choix d'un atout
L'intérêt du futur déclarant est
de choisir
comme
atout une couleur
dans laquelle
son camp
possède
plus de
cartes que
celui de la défense.
C'est
le cas dès que l'un
des deux
camps possède
sept cartes dans une couleur, puisqu'il
n'en
reste
alors que
six
à l'autre camp.
Mais l'avantage
obtenu est alors
si minime
qu'il
ne justifie pas le choix délibéré de
cette
couleur
comme
atout.
On privilégiera
les couleurs où le camp
du déclarant
possède huit cartes
(ou plus) contre
cinq (ou
moins) à celui de la défense.
Cette
situation
où un camp
détient huit
cartes
(ou plus)
s'appelle
le «fit». Posséder
huit cartes
(ou plus)
entre les
deux joueurs
dans une même
couleur,
c'est «être
fité».
Insistons
sur un point
important:
dans la procédure
de détermination d'un contrat, la qualité
des atouts n'intervient pas. Seul leur nombre
compte. Il peut arriver qu'un même camp
possède au
moins huit cartes dans plusieurs couleurs. Les
éléments qui
vont déterminer le
choix d'une couleur comme atout, de préférence
à une autre, ne tiennent
pas seulement
au nombre
de cartes dans chacune des
couleurs,
mais
aussi à la
nature des couleurs. En
effet, la marque du
bridge réserve un traitement différent aux contrats déclarés
en majeure
(Cœur ou Pique)
ou en
mineure (Trèfle
ou Carreau).
Les points alloués à la
réussite
d'un
contrat en mineure
sont
moins nombreux que
ceux obtenus si
l'on joue
en majeure. Du coup, l'obtention si
importante - de la prime de manche est
plus difficile.
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