L'entame
C'est le camp de la défense
qui a le privilège de jouer la première carte de la donne. A l'issue des enchères, une fois le contrat déterminé,
le joueur placé à gauche du déclarant choisit une carte dans son jeu,
avant que le mort ne soit étalé.
Ce choix se fait en deux temps.
Tout d'abord, l'entameur va devoir déterminer la couleur à entamer. Il retiendra celle qui compte le plus
grand nombre de cartes, car c'est elle qui lui donne les meilleures chances
de se procurer des levées .
Une fois fixée la couleur
d'entame, encore faut-il y sélectionner la carte à entamer. Le choix de cette carte obéira à des règles qui
aideront le partenaire à reconstituer (au moins partiellement) la composition de
la couleur chez l'entameur. Ces règles font partie de la signalisation.
Avec une séquence d'honneurs
La situation est différente
selon que l'entameur possède ou non une séquence d'honneurs dans la couleur sélectionnée.
On appelle séquence d'honneurs
une suite de trois cartes équivalentes, dont l'une au moins est un honneur.
Par exemple : R D V 6, D V
10 5, 10 9 8 6 4.
Chacune de ces trois couleurs
possède une séquence d'honneurs, y : compris la dernière, puisqu'on y
constate la présence du 10 et de deux
cartes qui lui sont
équivalentes. En revanche, 98753 n'est pas une équence d'honneurs: il y a bien trois cartes équivalentes, mais le 9
n'est pas un honneur.
Nanti d'une séquence d'honneurs,
l'entameur sélectionne, par convention, la plus forte carte de celle-ci:
- avec R D V 6, le Roi
- avec D V 10 5, la Dame
- avec 10 9 8 6 4, le 10
On dit qu'on entame de la «tête
de séquence».
Cette
façon de procéder présente plusieurs
avantages :
- Celui
d'indiquer à son partenaire la possession des cartes
équivalentes inférieures. Lorsque celui-ci voit apparaître le
Roi, il en déduit que l'entameur possède la Dame et le Valet. S'il
voit la Dame, c'est que son partenaire détient le Valet et le 10
(mais pas le Roi).
- Celui de ne
pas donner de levée illégitime à l'adversaire; en effet un déclarant muni de
A 10 2 réaliserait le 10 si le joueur
à l'entame choisissait le 6 dans R D V 6 3.
- Celui de déloger les honneurs de
l'adversaire.
Il est
important de noter ici la similitude entre le
jeu de la défense et celui du déclarant. Si celui-ci possède dans une
couleur R D V 6 3, il va chercher à obliger l'adversaire à jouer son As, ce qui
lui permet, ensuite, de réaliser plusieurs levées. Le joueur qui entame et
qui détient la même combinaison (R
D V 6 3) va procéder exactement de la
même façon. Il existe toutefois une différence dans le choix de
l'honneur à fournir : avec le mort n'importe lequel fera l'affaire alors qu'en
défense jouer la plus forte de ces cartes relève du domaine de la
signalisation.
Sans
séquence d'honneurs
Le cas le
plus fréquent est celui où l'entameur ne
possède pas de séquence d'honneurs. Il va alors choisir une petite
carte, en appliquant une autre convention : la règle de la
quatrième
meilleure.
Il suffit
de classer les cartes de sa couleur longue en
ordre décroissant pour déterminer sans difficulté cette
«quatrième meilleure».
Par
exemple, dans la couleur suivante : R
V 6 5 4
- le
Roi est la plus forte
- le
Valet est la deuxième meilleure
- le 6
est la troisième meilleure
- le 5
est la quatrième meilleure, c'est donc la
carte à entamer.
PRINCIPES
A SUIVRE POUR ENTAMER
CHOIX
DE LA COULEUR : la plus longue
CHOIX
DE LA CARTE :
-
Avec trois équivalentes dont un honneur (=
une séquence
d'honneurs) : la plus forte, c'est-à-dire
"tête de séquence".
- Sans séquence: la quatrième carte en
partant de la plus
forte : "quatrième meilleure".
|
L'action de la défense ne va
toutefois pas se limiter au choix d'une carte d'entame. Elle va se poursuivre grâce à l'aptitude des deux joueurs à
analyser la situation.
La course de vitesse
L'entameur, tout d'abord, devra
profiter de son temps d'avance pour tenter d'affranchir sa couleur avant celle du déclarant (puisqu'une fois de plus
l'action du déclarant sera identique). En fait, il s'agit d'une véritable
"course de vitesse", et l'avantage pris par la défense (grâce à la
possiilité d'entamer) est souvent décisif.
Dans les deux cas, le camp de
la défense a un temps d'avance. En effet, le déclarant est à la tête de sept levées (une à Cœur, quatre à
Carreau et deux à Trèfle),. et il va chercher à affranchir les deux qui manquent
à Pique, ce qui l'oblige à rendre la main. C'est alors qu'Ouest va
réaliser ses levées à Cœur, avant que Sud ne parvienne à faire les siennes à
Pique.
Un constat s'impose: plus la
couleur d'entame est solide, plus elle s'affranchira facilement et rapidement. Quand l'entameur possède
R D V 10 9,
il est certain de faire tomber l'As. S'il possède dans son jeu un autre
As, il pourra reprendre la main pour réaliser ses levées (premier exemple).
Mais la situation n'est pas
toujours aussi idyllique, comme dans le deuxième exemple. Toutefois, dans ce cas, il suffit de trouver un honneur
chez le partenaire pour aboutir au même résultat.
Les déductions à faire par le
partenaire
La connaissance des règles de
signalisation, la vue de la carte d'entame lorsqu'il s'agit d'un honneur et la vue du mort permettent au partenaire
de reconstituer la répartition de la couleur d'entame et de résoudre d'éventuels problèmes de communications.
Il est tout d'abord en mesure de
déduire la position de tous les honneurs, y compris ceux qui sont cachés.
7 4 2 |
L'entameur possède en plus de la
Dame, le Valet et le 10. Mais
si l'entame d'un honneur promet les deux cartes équivalentes
A 8 3 inférieures, elle dénie aussi la possession de la carte
supérieure.
Il n'a donc pas le Roi qui est
dans la main de Sud.
|
D A
8 3 |
7 4 2 |
L'entameur possédant, outre le
Roi, la Dame et le Valet, le camp de la défense détient tous les honneurs de la couleur d'entame . |
R A
10 3 |
Si la carte d'entame permet dans
ces cas précis de connaître la teneur de la couleur elle ne donne pas d'information sur le nombre exact de cartes.
La seule certitude est la possession par l'entameur d'une «longueur», c'est-à-dire d'au moins quatre cartes.
Qui dit longueur, dit possibilité
de couleur asymétrique, risque de blocage et nécessité de s'appliquer à jouer d'abord, comme avec le mort,
les honneurs du côté court pour finir du côté long. Mais la difficulté
est supérieure car, à l'inverse du déclarant, les défenseurs ne voient pas
leurs deux jeux. En pratique, les situations sont aussi variées que complexes.
Quelle carte jouer sur l'entame
?
L'attitude du partenaire diffère
selon que l'entame est un honneur - et donc une tête de séquence - ou une petite carte. Il est logique que la
vue du mort influence aussi son action.
1) Après l'entame d'un honneur,
par exemple une Dame.
Celle-ci promet une séquence (D V
10 x x), et dénie la carte supérieure (ici le Roi). Si le joueur numéro 3 possède cette carte, il devra le plus
souvent la fournir pour éviter un blocage ultérieur. Une fois encore, on
notera une similitude avec un déclarant qui, possédant d'une main D V 10
8 5 et de l'autre R 7 4, devrait jouer en premier lieu le Roi pour finir du
côté le plus long et encaisser ensuite les autres honneurs.
En défense il est indispensable de
débloquer au plus tôt l'honneur du côté court. Lorsque le partenaire de l'entameur possède le Roi ou l'As
second, il devra en fait le jouer dès la première levée.
De la même façon, il faudra
adopter une attitude identique avec le Roi ou la Dame sur l'entame du Valet, avec l'As sur l'entame de la Dame
sauf si le Roi est au mort. C'est le cas dans le deuxième exemple ci-dessous (le déclarant joue le 2 du mort) :
2) Après l'entame d'une petite
carte : le joueur numéro 1 possède une couleur longue sans séquence. Le joueur numéro 3 devra alors
collaborer pour participer à l'affranchissement de cette couleur .
Souvent, à tort, il a tendance à
vouloir conserver ses honneurs. Pourtant, s'il fournit le 8 dans l'exemple précédent, il risque de voir le
déclarant réaliser la première levée avec le 9 par exemple.
Ceci aurait un double effet
négatif :
- donner une levée illégitime à
l'adversaire,
- retarder l'affranchissement de la
couleur d'entame.
S'il fournit son Roi, comme
il doit le faire, le déclarant ne réalisera cette levée qu'à la condition de posséder l'As. Le joueur
numéro 3 aura
ainsi contribué (en fournissant en troisième position sa plus forte carte)
à l'affranchissement de la couleur du partenaire.
Le diagramme complet :
Notons toujours la
similitude entre le jeu pratiqué par la défense et par le déclarant.
Avec :
R 7 4 |
|
|
L'entameur qui possède
D V 6 5 3
choisit le 5, espérant trouver le Roi chez le partenaire. Quand celui-ci le fournit (ce
qu'il
doit faire), le camp de la défense affranchit, à son tour, plusieurs
levées. |
D V 6 5 3 |
|
Retenons que le plus souvent, le partenaire de l'entameur devra collaborer
à l'affranchissement de la couleur entamée en fournissant sa carte la
plus forte.
Celui-ci va commencer par jouer
vers l'honneur de la main courte, le Roi, dont le sacrifice permet d'affranchir des levées.
3) il existe cependant deux
cas bien précis où le joueur 3 ne devra pas fournir mécaniquement sa carte la plus
forte :
- D'abord lorsqu'il
détient au moins deux cartes équivalentes, situation dans laquelle il doit fournir la plus petite des
deux
7
4 2 |
|
V
9 8 5R
D 6 |
Le joueur numéro 3
doit
mettre sa Dame et non son Roi |
A
10 3 |
|
Certes, jouer le Roi ou la
Dame aboutit au même résultat, c'est-à-dire à faire jouer l'As à l'adversaire. Toutefois, sur le plan de la
signalisation, il est utile de jouer la plus petite des deux cartes équivalentes
en partant du principe qu'une carte jouée dans cette position dénie la
carte inférieure. Mettre le Roi déniera la Dame, mettre la Dame, le Valet
et mettre le Valet, le 10.
Attention, cette attitude est
exactement l'inverse de celle adoptée à l'enrame, là ou justement entamer du Roi promettait la Dame, de la Dame le
Valet, et du Valet le 10. Mais l'intérêt de cette façon de faire est
réel,
puisqu'il permet de localiser, avec précision, plusieurs honneurs manquants.
7
6 |
- Le joueur
numéro 3 ne peut avoir
le 10 : avec Valet 10, il aurait fourni le
10.
- Le déclarant, lui, n a pas
la Dame, car il l'aurait logiquement utilisée
pour réaliser la levée.
- Ensuite s'il possède une
«fourchette» par rapport aux cartes situées au mort. On appelle fourchette, au bridge, un ensemble
de deux cartes séparées d'un cran dans l'ordre des cartes. Par
exemple, As-Dame, Dame-10, 9-7, etc. Avoir une fourchette sur le mort signifie que la carte qui manque est visible au mort,
devant soi. |
R
9 5 3 2V |
A |
7
4 2 |
Le joueur
numéro 3 doit mettre son Valet
pour
contribuer à l'affranchissement de la longue du partenaire. |
5
V
9 3
|
10
7 2 |
Le joueur
numéro 3 ne doit pas mettre
son
Valet, mais son 9. la présence du 10 au
mort rend équivalents le 9 et le Valet : ces
deux cartes pousseront le déclarant à
fournir un honneur supérieur (l'As, le
Roi, la Dame) pour faire la levée et auront donc le même effet sur le jeu de
l'adversaire. |
5
V
9
3
|
Lorsqu'il possède une fourchette
sur les cartes situées au mort, le joueur placé derrière celui-ci devra
tenir compte de la carte fournie devant lui. Si c'est une petite carte, il devra jouer la plus petite carte de sa
fourchette, conservant ainsi celle susceptible de capturer la carte du mort.
Cet exemple montre qu'en troisième position, le joueur doit fournir sa plus forte carte utile.
En résumé
- L'entame qui offre les meilleures
perspectives est celle dans une couleur longue. Avec une séquence, il faudra entamer de la plus forte,
alors que sans séquence on choisira la «quatrième meilleure».
- Sur l'entame d'une tête de
séquence, le partenaire de l'entameur devra le plus souvent débloquer un ou plusieurs honneurs supérieurs
à la carte d'entame.
- Sur l'entame d'une petite carte,
il devra jouer sa plus forte carte utile afin de participer à l'affranchissement (ceci, bien sûr, sauf lorsque le
mort est maître).
- S'il a le choix entre plusieurs
cartes équivalentes, le partenaire de l'entameur doit fournir la plus petite.
|