L'entame dans les contrats à l'atout
En-dehors de l'entame
d'un singleton, dont
il a déjà
longuement
été question, quel
doit être le choix d'un
défenseur
qui doit attaquer
contre un contrat à l'atout ? Par rapport à l'entame contre
un contrat à Sans-Atout, les différences
sont
très
importantes, car la
nature des levées qui vont
provoquer
la chute
du contrat
n'est
pas la même.
Stérilité de l'entame dans une couleur longue
La base
du jeu de flanc à Sans-Atout
est l'affranchissement
de levées
de longueur. Cet affranchissement doit
être entrepris dès l'entame, de
façon à tenter de gagner
la course
de vitesse
malgré le déséquilibre
des forces en faveur du déclarant. De ce fait, l'entameur acceptera
parfois de
sacrifier une levée d'honneur
au bénéfice
de l'affranchissement
de sa longueur.
Il serait parfaitement
irréaliste de vouloir agir de même
contre un contrat à l'atout. En
effet, si les défenseurs
parviennent à affranchir des levées de longueur contre un contrat à l'atout, ils ne pourront jamais les
réaliser. Par nature, une levée
de longueur
ne peut
exister
que quand les joueurs du camp adverse sont
dépourvus
de la couleur, auquel
cas, quand un atout est
défini, ils s'empresseront
de couper les petites cartes affranchies!
Il faut
donc
se tourner
vers une autre
source de levées en flanc. Hormis les levées d'atout, les levées que la défense peut espérer
proviendront d'honneurs
maîtres ou rapidement affranchissables.
Les levées d'honneurs rapidement affranchissables
Affranchir et encaisser
rapidement des levées sont les
objectifs les
plus fréquents du camp de la défense contre un
contrat à l'atout. On
va donc privilégier à l'entame
les séquences d'honneurs.
À Sans-Atout, il fallait
trois honneurs équivalents pour entamer d'une tête
de séquence. À l'atout, deux honneurs équivalents suffiront. Ainsi, on continuera, naturellement, d'entamer
de la tête de séquence avec :
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A
R D 3 |
R
D V 6 |
D
V 10 5 |
V
10 9 3 |
10
9 8 4 |
|
Mais on entamera aussi de l'honneur
de rang
le plus élevé
avec:
|
A
R 6 3 |
R
D 8 6 |
D
V 5 3 |
V
10 7 3 |
10
9 6 4 |
|
Rappelons qu'avec
des cartes équivalentes inférieures
au 10, on
n'est plus en présence d'une séquence d'honneurs, et qu'il
n'y a donc pas lieu d'entamer
de la carte la plus forte.
Contre un contrat à l'atout,
il suffit de deux honneurs équivalents pour entamer « tête de séquence».
Les entames à éviter
Il est assez rare de posséder
une séquence d'honneurs. La
plupart du temps, le choix de l'entame
contre un contrat
à l'atout se
fera par élimination, car de nombreuses entames
sont à
éviter.
l'entame sous un
honneur isolé
À Sans-Atout, il est parfaitement
justifié d'entamer sous un gros honneur accompagné de nombreuses petites cartes (on parle d'honneur
«long »). Dans
le diagramme ci-dessous, quand
Ouest
entame d'un
petit sous son
Roi, il
offre
la levée de la Dame au
déclarant, mais est à même, en contrepartie d'affranchir
ensuite trois levées
dans la couleur.
Plus l'honneur
sous lequel on entame est de rang élevé, plus le risque d'offrir
une levée est grand. L'entame la plus dangereuse est donc l'entame sous l'As
! Elle risque
de déboucher sur ce type de dilemme :
l'entame sous un As
est à proscrire
dans un contrat à l'atout.
L'entame sous
un Valet risque beaucoup moins de livrer une levée au déclarant
pour une raison toute simple : la seule carte dont un Valet puisse s'emparer, c'est
un 10 !
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A R 6 3
|
|
Ici, l'entame
sous le
Valet
quatrième
ne livre
rien, car
c'est le partenaire qui a le 10. Mais même dans le cas
où les quatre honneurs
manquants sont dans le camp
du déclarant,
il faut, pour
que l'entame
soit coûteuse, que l'une des deux mains
adverses possède quatre
cartes dans la couleur !
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V 9 4 2
|
|
10 8 7
|
|
D 5
|
L'entame sous deux honneurs non équivalents
Le risque pris quand
on entame
sous
deux
honneurs est
d'autant plus important
que les chances de
trouver
un complément
chez le partenaire sont
encore réduites.
Comme précédemment, plus la fourchette
comporte un honneur
de rang élevé, plus
grand est le
mal:
Contre un contrat à l'atout,
il vaut mieux éviter d'entamer dans une couleur où l'on possède deux honneurs non
équivalents.
Entamer atout
L'atout est une
couleur
comme une autre, qu'il est
tout à fait
possible d'entamer.
Choisir
l'entame atout comporte cependant
un risque, celui de laisser
l'initiative
au déclarant, qui pourra
entreprendre l'affranchissement
de ses couleurs avant
que les honneurs de la défense soient établis. On prend cependant cette
option dans deux
cas précis
: soit quand
il semble que le déclarant ait des levées de
coupe à réaliser pour gagner son contrat, soit
quand
toute autre entame
apparaît
dangereuse.
Le meilleur moyen de lutter contre le dédoublement des atouts
Empêcher
le déclarant de dédoubler
ses atouts
consiste, on l'a vu, àjouer atout
le plus
souvent
possible, par exemple pour tenter d'épuiser
les atouts de la
main courte. Les
occasions de prendre la main en cours de jeu n'étant
pas si
nombreuses, il est souvent
indispensable
de commencer dès l'entame.
Exemples
|
8
3
A
7 2
V
8 7 6 2
V
8 5 |
|
Après une ouverture
d'1
en Sud, Nord a soutenu à 2
et Sud a conclu à la manche. Ouest peut entamer Trèfle
sans risque, et les deux honneurs équivalents qu'il
possède dans la couleur lui permettent même d'espérer y affranchir une levée. Sur cette entame, Sud, qui dispose de
neuf levées, n'aura aucune difficulté à couper son troisième Pique au
mort, en rendant deux fois la main à la défense pour ouvrir la coupe. On
voit que sur l'entame atout, c'est la défense qui prévaut
: elle peut
rejouer atout chaque fois qu'elle prend la main à Pique, et le mort n'aura plus
d'atout pour couper.
En fait, Ouest aurait
dû choisir l'entame atout : avec trois petites cartes, cette entame n'est pas dangereuse, et la présence
d'honneurs dans toutes les autres couleurs l'incite à penser qu'il pourra
reprendre la main, et continuer à jouer atout si le besoin s'en fait sentir.
|
A
V 9 4
8
6 3
R
4
10
9 6 4 |
|
R
10 6 5
V
5
D
10 9 5
7
3 2 |
|
D
7 2
R D
10 9 4
A
3
A
R
D |
|
Après une séquence
d'enchères similaire, l'entame atout serait indispensable avec la main
suivante :
A
10 7 3
9
6 3
D
4
R
V 5 3 |
Cette fois, aucune
autre entame n'est envisageable: pas question d'entamer Pique, couleur où l'on possède l'As sans le Roi, ni
Trèfle avec deux honneurs non équivalents. Quant à l'entame à Carreau,
c'est la plus dangereuse de toutes! La Dame seconde a de grandes chances
d'appartenir à une couleur cruciale pour le déclarant, qu'il
importe de lui laisser jouer lui-même. L'entame d'un petit atout ne compromet rien
et permettra parfois, à l'instar de l'exemple précédent, de s'opposer
efficacement à un plan de coupe de la main courte. |
On n'entame pas d'un
singleton à l'atout
Même si les
conditions paraissent propices à l'entame atout, il y a un
cas où il faut se résoudre à entamer autre chose, c'est quand
on possède un singleton à l'atout.
D'une part, entamer
atout avec un singleton est beaucoup moins utile qu'avec deux ou trois petites cartes: pour ôter au
déclarant la possibilité de dédoubler ses atouts, il faudra rejouer atout, ce qu'on
ne pourra faire soi-même.
D'autre part,
beaucoup plus grave, l'entame atout va souvent coûter une levée à la défense, en faisant capturer des honneurs que
le déclarant aurait concédés s'il avait été livré à lui-même. Deux
exemples:
En conclusion, il ne
faut jamais entamer d'un singleton à l'atout.
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