Bridge initiation Jeu de la carte

Les impasses





Les impasses (suite)

Le mécanisme de l'impasse, étudié dans le chapitre précédent, ouvre la voie à une étude plus approfondie de cette manœuvre très importante.
Dans ce chapitre, nous commencerons par revenir sur les positions d'impasse les plus simples, les impasses directes et indirectes. Prendre ensuite en compte le nombre de cartes détenues dans la couleur nous permettra ensuite d'aborder la notion de maniement de couleur. Pour terminer, nous découvrirons les précautions qui accompagnent l'impasse, le coup de sonde et la conservation des fourchettes.

Les impasses directes et indirectes

Observons les deux diagrammes suivants:

A D

4 2
R 2

4 3
Dans les deux cas, nous avons la possibilité de tenter une impasse.

Dans le diagramme de gauche, la Dame réalisera la levée si le Roi est placé en Ouest et si le déclarant joue de sa main vers As-Dame. Dans celui de droite, c'est le Roi qui pourra faire la levée si les deux conditions habituelles sont remplies :

- Que l'honneur de rang supérieur (l'As), soit placé avant.
- Que le déclarant joue vers celui-ci.

Au-delà de cette similitude, il existe malgré tout une différence importante :

- dans le diagramme de gauche, l'adversaire n'est pas en mesure de prendre la main si l'impasse réussit. Une impasse de ce type est appelée impasse directe.

- dans le diagramme de droite, même en cas de succès de la manœuvre, l'adversaire est en mesure de réaliser l'As quand bon lui semble. Une impasse indirecte est une impasse où l'adversaire a la possibilité de prendre la main dans le processus d'affranchissement.

En fait, une impasse directe est possible quand on possède un groupe de deux cartes qui «encadrent» la carte de l'adversaire. Ainsi, dans l'exemple précédent, où il manque le Roi, le déclarant possède la carte immédiatement supérieure - l'As - et celle immédiatement inférieure - la Dame - et ces deux cartes sont dans la même main. Ce groupe de deux cartes s'appelle une fourchette.

Dans le cadre d'une impasse indirecte, la fourchette n'existe plus. Les deux éléments qui la composent sont parfois chacun situés dans une main :

D75
A43

L'As et la Dame sont de nouveau présents dans le camp, mais ils sont séparés entre les deux mains.

Parfois, l'élément supérieur a tout simplement disparu :

R 8
4 3

Il n'y a plus qu'une seule carte significative dans le camp, le Roi.

Une impasse, qu'elle soit directe ou indirecte, a toujours pour but de créer une levée supplémentaire en bénéficiant du bon placement d'une carte adverse. Mais la réussite d'une impasse indirecte est soumise à une condition supplémentaire, liée au nombre de cartes que l'on possède dans la couleur concernée. Pour s'en convaincre, il suffit d'observer les diagrammes suivants :

1 2 3 4
D 8 2 D 8 2 D 8 D 8
A 4 3 A 4 A 4 3 A 4

Il n'y a plus qu'une seule carte significative dans le camp, le Roi.

 

Dans tous les cas, réaliser la levée de la Dame nécessite de jouer une petite carte de la main de Sud et d'espérer le Roi en Ouest.

- Dans le diagramme numéro 1 , il n'y a aucun souci. La couleur est symétrique, on n'aura aucun problème pour réaliser deux levées une fois que le Roi aura été fourni par le joueur assis en Ouest.

- Les deux situations suivantes (numéro 2 et numéro 3) sont déjà plus embarrassantes : l'une des deux mains ne comportant que deux cartes, le fait que Ouest joue le Roi crée un blocage de la couleur : la Dame est bien affranchie dans l'opération, mais Sud doit disposer d'une communication dans une autre couleur pour en profiter.

- Enfin, dans le diagramme numéro 4, il est impossible de créer une deuxième levée dans la couleur : si Sud commence par jouer le 4, Ouest n'a qu'à fournir le Roi pour qu'au tour suivant, la Dame et l'As tombent en même temps.

Nous pouvons déduire de cet examen le principe suivant:

Pour qu'il soit possible de tenter une impasse indirecte, il faut que l'une au moins des deux mains possède une carte de plus que le nombre de levées souhaitées dans la couleur.

Voici une autre illustration de ce principe, dans le cadre d'une impasse à la Dame :

 

V 7 2

A R 4 3
V 7 2

A R 3
Dans la situation de gauche, jouer une petite carte de la main de Sud vers le Valet rapporte une levée si la Dame est en Ouest, car le Valet pourra être joué ensuite en même temps que l'autre petite carte de la main oppo sée. À droite, ça n'est plus possible. Si Sud a besoin de trois levées dans la couleur, sa seule chance est de jouer As et Roi «en tête» en espérant faire tomber la Dame.

 

Compléments sur les impasses : la meilleure chance de gain

La technique des impasses est précieuse, il ne faut pas malgré tout en abuser. Il existe en effet bien des situations où tenter une impasse ne se justifie pas, car cette manœuvre diminue les chances de réaliser un maximum de levées dans la couleur considérée. Un premier exemple caricatural va permettre de comprendre pourquoi :

A R V 10 9 8
7 6 5 4 3

La Dame est manquante et il pourrait venir à l'esprit de jouer un petit de Sud vers le Valet, si toute fois le 2 apparaissait en Ouest.

Mais il y a onze cartes entre les mains du mort et du déclarant. Ceci n'en laisse que deux à la défense et la Dame, qu'elle soit sèche ou seconde, «tombera» obligatoirement sur l'As ou sur le Roi. Tenter l'impasse à la Dame est donc alors une manœuvre qui ne peut que coûter une levée, sans jamais en rapporter!

Quand le nombre de cartes détenues par le déclarant dans la couleur diminue, la situation évolue car la chute de la Dame (sur l'As ou le Roi) n'est plus du tout une certitude. On comprend aisément que la décision de faire l'impasse sera d'autant plus justifiée que le nombre de cartes dans la couleur sera moins important :

A R V 10 9

7 6 5 4
A R V 10 9

7 6 5
Dans le diagramme de gauche, la Dame a plus de chances d'être fournie sur l'As et le Roi que dans celui de droite, puisque dans un cas l'adversaire possède quatre cartes et dans l'autre cinq.

Intéressons nous de plus près à la situation où le déclarant possède huit cartes dans son camp (diagramme de droite) , et tentons de déterminer quelle est la façon de jouer qui lui offre les meilleures chances de réaliser cinq levées.

- Une première méthode consiste à jouer un petit de Sud pour le 9 de Nord. Sud fera alors cinq levées dans la couleur chaque fois que la Dame est en Ouest, quatre seulement si elle est en Est. La Dame, comme n'importe quelle carte, ayant exactement autant de chances de se trouver dans le jeu d'Est que dans le jeu d'Ouest, cette ligne de jeu offre précisément 50% de chances de succès au déclarant.

- L'alternative consiste à jouer l'As et le Roi, sans faire d'impasse. La Dame va tomber si elle est sèche, ou si elle est accompagnée d'une seule petite carte (on parle alors de Dame «seconde»). Mais le déclarant devra concéder une levée si la Dame est accompagnée de deux ou trois petites cartes.

A-t-on plus ou moins d'une chance sur deux de réussir en jouant l'As et le Roi ? Pour répondre à cette question, notons tout d'abord que l'adversaire possède cinq cartes dans la couleur, qui peuvent être réparties 3-2, 4-1 ou 5-0.

- dans le cadre de la répartition 5-0, très rare au demeurant, la Dame ne peut être capturée que si les cinq cartes adverses sont en Ouest, et il faut faire l'impasse.

- la répartition 4-1 est un peu plus fréquente. Elle correspond aux cas suivants:

1) les quatre cartes sont en Est.

Ouest

Est Lorsque la Dame est sèche, on fera toujours cinq levées.

Lorsque la Dame est quatrième derrière la fourchette, il n'y a rien à faire et tenter ou non l'impasse ne change rien à l'affaire.

D
2
3
4
8

8432
D843
D842
D832
D432

2) les quatre cartes sont en Ouest.

 

Ouest

Est

Il faudrait jouer l'As pour capturer la Dame sèche. Dans les quatre autres cas, l'impasse est la seule façon de réaliser cinq levées.

D843
D842
D832
D432
8432

2
3
4
8
D

 

Compte tenu du fait que n'importe laquelle des répartitions examinées ci-dessus a la même chance de se produire, l'impasse est nettement préférable au jeu en tête, puisqu'elle permet de réaliser son objectif quatre fois plus souvent.

- Venons-en maintenant à l'examen du cas le plus fréquent, celui du partage 3-2 des cartes adverses.

Dans un certain nombre de situations, choisir l'une ou l'autre façon de jouer n'a pas d'importance :

 

Ouest

Est

 

Lorsque la Dame est troisième derrière l'As et le Roi, le déclarant ne peut éviter de perdre une levée, quoi qu'il fasse.

 

32
42
82
43
83
84

D84
D83
D43
D82
D42
D32

 

Ouest

Est

Lorsque la Dame est seconde devant As et Roi, les deux façons de jouer permettent de la capturer.

D8
D4
D3
D2

432
832
842
843

Les deux cas qui posent problème, sont donc les situations inverses des précédentes, c'est-à-dire la Dame troisième devant ou seconde derrière.

- La Dame troisième placée devant As et Roi est favorable à l'impasse :

 

Ouest

Est

Ici, jouer l'As puis le Roi, c'est-à-dire tirer ses honneurs «en tête» conduit à perdre une levée.

En revanche faire l'impasse permet de toutes les réaliser.

D32
D42
D82
D43
D83
D84

84
83
43
82
42
32

 

- En revanche, la Dame seconde derrière As et Roi est favorable au jeu en tête :

 

Ouest

Est

C'est «jouer en tête» qui permet ici de ne pas perdre de levées.

L'impasse coûte en effet une levée, puisqu'on donne la Dame.

432
832
842
843

D8
D4
D3
D2

 

Si l'on compare ces deux derniers tableaux, on constate qu'il existe six cas favorables à l'impasse, contre quatre favorables au jeu en tête. En fait, ce résultat était prévisible. En effet, la répartition du résidu de la couleur faisait apparaître un déséquilibre de longueur entre les deux défenseurs : l'un possède trois cartes, l'autre deux, ou bien l'un ne possède qu'une carte, l'autre quatre. Le principe de bon sens suivant est alors applicable:

Une carte, quelle qu'elle soit, a toujours plus de chances de se trouver dans la main longue adverse que dans la main courte.

Quelle que soit la répartition des cartes chez l'adversaire, la façon de jouer (la ligne de jeu) qui offre le maximum de chances de réaliser toutes les levées est donc de faire l'impasse à la Dame. On en déduit un maniement de couleur, qu'il faut adopter systématiquement en présence d'une couleur de huit cartes où la Dame fait défaut.

L'échec occasionnel de ce maniement est inévitable, alors même que le choix d'une autre façon de jouer aurait été couronné de succès. Mais la méconnaissance des jeux adverses qui caractérise le déclarant, doit lui faire supporter cet échec avec philosophie : il aura bien joué, conformément à la technique.

Des calculs semblables ont été réalisés dans d'autres situations, qui ont permis d'établir trois grandes règles:

Impasse au Roi Impasse à la Dame Impasse au Valet
On fait l'impasse au Roi avec un maximum de dix cartes dans le camp.

A partir de onze, on «tire en tête».
On fait l'impasse à la Dame avec un maximum de huit cartes dans le camp.

A partir de neuf, on «tire en tête».
On fait l'impasse au Valet avec un maximum de six cartes dans le camp.

A partir de sept, on «tire en tête ».

Ces principes ne constituent en rien des garanties. Il s'agit simplement de la meilleure chance de gain (en l'absence d'éléments extérieurs).

Le coup de sonde

Il s'agit d'une technique qui, associée à celle de l'impasse, permet d'améliorer ses chances de gain. Elle consiste à différer l'impasse. À la première levée, on joue d'abord une carte maîtresse, par précaution.

Ainsi, avec :

A R V 10 9
7 6 5

Il a été établi plus haut que l'impasse était préférable au fait de tirer l'As et le Roi. En réalité, il est «gratuit» - il ne «coûte rien» - de commencer par jouer l'As ou le Roi : c'est le coup de sonde. On capturera ainsi une Dame sèche derrière la fourchette, une éventualité rare mais loin d'être impossible.

Pourquoi cette manœuvre n'est-elle pas coûteuse ? Le plus souvent, la Dame ne va pas apparaître. Mais il sera alors possible de faire l'impasse au deuxième tour de la couleur, et si nécessaire de la renouveler puisqu'il arrive aussi que la Dame soit quatrième en Est.

Si l'une des petites cartes de Sud émigre en Nord, la situation est bien différente :

A R V 10 9 5
7 6

Ici, donner un coup de sonde est coûteux. Certes, jouer l'As ou le Roi permet toujours de capturer une éventuelle Dame sèche. Mais en cas 'échec, la situation est devenue :

 

R V 10 9 5
7

A cet instant, si la Dame était initialement quatrième en Ouest, elle est devenue imprenable puisqu'il n'est plus possible de renouveler l'impasse. Il ne fallait donc pas, sous prétexte de chercher à capturer une Dame sèche derrière As et Roi (une situation assez rare), se priver de la possibilité de prendre en impasse une Dame quatrième devant (situation beaucoup plus fréquente).

 

Pas de coup de sonde si celui-ci prive le déclarant de la possibilité de capturer une Dame quatrième.

La préservation des fourchettes

Une autre précaution peut s'avérer être très lucrative en cas de mauvaise répartition du résidu adverse : c'est la préservation des fourchettes.
Avec :

 

A D 4 2
R 10 6 3

Il manque le Valet, et les règles de maniement de couleur nous indique qu'il ne faut pas, a priori, penser à faire une impasse. D'ailleurs, le déclarant, en jouant ses trois honneurs maîtres, réalisera aisément toutes les levées chaque fois que la couleur sera répartie 3-2. De même, si elle est répartie 4-1 avec le Valet sec. Le cas le plus intéressant est celui du Valet quatrième. S'il est en Ouest, il est «imprenable» :

 

S'il est en Est, la situation est la suivante :

      A D 4 2
   8
V 9 7 5

     R 10 6 3

Le déclarant peut alors réaliser toutes les levées, s'il a commencé par jouer les deux honneurs du mort. Au deuxième tour de la couleur, il s'aperçoit de la défausse d'Ouest et est alors en position de capturer le Valet grâce à sa fourchette Roi - 10. Il joue à cartes ouvertes et peut faire l'impasse marquée au Valet. Jouer l'As et la Dame est une précaution - ça ne coûte rien ! - contre la distribution 4-1 de la couleur.

Voici un autre exemple :

 

R V 8 4 2
A 7 6 5 3

Là encore, pas question de faire l'impasse à la Dame avec dix cartes entre les deux mains. Mais tant qu'à faire de jouer As et Roi, par lequel commencer ?

La répartition du résidu qui permet de réaliser cinq levées sans problème est le partage 2-1 des trois cartes manquantes. Si elles sont toutes trois dans la même main, il faudra faire l'impasse à la Dame au deuxième tour, une fois qu'on se sera aperçu que l'un des adversaires n'a pas fourni. Pour y parvenir, il faut conserver la fourchette Roi-Valet :

 

 

 

             R V 8 4 2
   D 10 9
-

            A 7 6 5 3

Sud commence par jouer l'As et observe la défausse d'Est. Au deuxième tour, il rejoue un petit de sa main vers le mort, et il lui suffit de couvrir la carte fournie par Ouest pour réaliser cinq levées.

 

Tirer une ou plusieurs cartes maîtresses dans une couleur, permet d'obtenir des renseignements sur la répartition des cartes adverses.

Prèserver une fourchette dans l'une des deux mains, permet de prévenir une mauvaise répartition du résidu et d'agir en conséquence.

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