L'affranchissement de
levées par le déclarant
Lorsqu'il est face à l'objectif
qu'il s'est fixé, le déclarant dispose rarement de toutes les levées nécessaires à la réalisation de celui-ci. Il
possède, certes, un certain nombre de cartes maîtresses qu'il sera plus ou
moins facile de convertir en levées (à condition de ne pas se bloquer
par exemple), mais il doit surtout faire en sorte d'utiliser au mieux le reste
de son jeu. En particulier, il va essayer de convertir ses honneurs en cartes maîtresses, une ambition souvent tout à fait réalisable.
Regardons le diagramme suivant :
Ouest joue le contrat de 3SA. Il
commence par recenser ses cartes maîtresses, couleur par couleur en associant les deux mains: il dénombre
trois levées à Pique, trois à Cœur et deux à Trèfle, soit un total
de huit.
Il s'aperçoit donc qu'il lui manque une levée.
Pour la trouver, il va devoir
s'intéresser aux honneurs qui ne sont pas maîtres, mais qui peuvent le devenir. Ici à Carreau, il possède le Roi
et la Dame. S'il accepte de sacrifier l'une de ces deux cartes pour obliger
le camp adverse à fournir l'As, l'autre sera alors devenue maîtresse. Il
l'aura «affranchie», libérée en quelque sorte de la supériorité
d'une carte appartenant à un adversaire.
Il a dû «donner pour recevoir»,
c'est-à-dire qu'il a joué pour concéder une levée à l'adversaire. Cette démarche peut paraître peu naturelle
à un débutant, elle est cependant à la fois indispensable et lucrative. Nous
verrons bientôt, en effet, qu'en concédant une levée, on en affranchit quelquefois plusieurs ...
Les cartes équivalentes
À l'intérieur d'une couleur, il
arrive fréquemment que plusieurs cartes différentes jouent le même rôle. Par exemple, observons la couleur Cœur
du diagramme précédent :
La couleur peut produire trois levées,
correspondant aux trois cartes maîtresses détenues par les deux mains. Pour les réaliser, il est indifférent de jouer
d'abord la Dame, le Roi ou l'As. Quelle que soit la carte maîtresse sélectionnée, le déclarant réalisera
toujours la levée, à la condition de fournir une petite carte de l'autre main. |
R 9 5
A D 2 |
On dit que ces cartes sont
équivalentes. En fait, toutes les cartes maîtresses d'une couleur sont toujours
équivalentes.
Cette notion importante peut se
généraliser aux cartes non maîtresses. On dira alors que plusieurs cartes non maîtresses sont équivalentes si
l'adversaire est obligé de fournir la même carte pour les capturer :
La Dame, le Valet, le 10 et le 9
sont quatre cartes équivalentes car pour prendre l'une d'entre elles, l'adversaire doit fournir au moins le Roi. |
D 9 5 3
V 10 6 2 |
Le Valet et le Roi ne sont pas des
cartes équivalentes : l'adversaire pourra prendre le Valet de la Dame, et le Roi de l'As. |
R 9 5
V 7 2 |
Les mécanismes de
l'affranchissement
Affranchir une carte consiste à
rendre maîtresse cette carte en obligeant l'adversaire à utiliser les cartes
supérieures qu'il possède. Le but de l'affranchissement est, on s'en doute, de permettre de réaliser une levée
avec la carte devenue maîtresse. Par abus de langage, cette manœuvre est appelée «affranchissement de levée».
La manœuvre d'affranchissement
d'une (ou de plusieurs) levée(s) nécessite pratiquement de réunir un certain nombre de conditions :
- détenir un nombre suffisant de
cartes équivalentes,
- posséder un nombre minimal de
cartes dans la main la plus longue,
- enfin, pouvoir se permettre de
rendre la main - une ou plusieurs fois - à l'adversaire.
Cartes équivalentes et
affranchissement
Examinons le diagramme
suivant :
D V 10 |
|
A 8 4R
9 6 3 |
La Dame, le Valet et le 10 sont
trois cartes équivalentes. Jouer une première fois la couleur obligera l'adversaire à
utiliser l'As ou le Roi pour remporter la levée. Au tour suivant, le deuxième gros honneur de la défense disparaîtra à son tour,
et la troisième carte équivalente du groupe sera promue au rang de carte maîtresse. |
7 5 2 |
|
Il suffit qu'une des trois cartes
éguivalentes ait disparu pour que la manœuvre échoue :
D 7 5 |
|
A 9 6R
10 4 3 |
Il y a bien deux cartes
équivalentes inférieures à l'As et au Roi, mais la carte qui deviendra maîtresse une fois celles-ci
jouées est le 10, carte possédée par l'adversaire. On peut déduire de ces deux exemples un premier
principe : |
V 8 2 |
|
Il faut posséder au moins une
carte équivalente de plus que de levées à concéder pour entreprendre un affranchissement.
La longueur des couleurs
Il faut un nombre minimum de cartes
dans au moins l'une des deux mains pour que l'affranchissement réussisse
:
D 10 |
|
A 8 7 4R
9 6 5 3 |
La condition édictée
ci-dessus est bien remplie: le déclarant possède trois cartes équivalentes entre ses deux mains, et la
défense seulement deux honneurs supérieurs. Au premier tour, il peut jouer le
2 de sa main pour le 10 du mort, qu'Est prendra du Roi. Au tour suivant, l'As d'Ouest va capturer le
Valet de Sud et la Dame de Nord : les deux cartes équivalentes seront tombées sur la même levée. |
V 2 |
|
Avec une petite carte
supplémentaire de chaque côté, le mécanisme fonctionne :
D 10 5 |
|
A 8 4R
9 6 3 |
Ce diagramme est en
fait le même que celui étudié au début du chapitre, le Valet de Nord
étant déplacé en Sud. On déduit de tout ceci le second principe de
l'affranchissement : |
V 7 2 |
|
Pour que l'affranchissement
aboutisse, il faut que l'une des mains du camp du déclarant détienne au moins une carte de plus que le nombre de cartes
maîtresses adverses.
La condition édictée
ci-dessus est bien remplie: le déclarant possède trois cartes équivalentes entre ses deux mains, et la
défense seulement deux honneurs supérieurs. Au premier tour, il peut jouer le
2 de sa main pour le 10 du mort, qu'Est prendra du Roi. Au tour suivant, l'As d'Ouest va capturer le
Valet de Sud et la Dame de Nord: les deux ca.Ites équivalentes seront tombées sur la même levée.
Affranchissement des couleurs
asymétriques
Il importe de préciser qu'une
couleur asymétrique peut tout à fait permettre l'affranchissement d'honneurs. Il faudra seulement être attentif
à l'ordre dans lequel les différents honneurs doivent être joués, pour
éviter les blocages.
Ainsi, avec
D V 10 3 |
A 9 6 5 8
7 2 |
R 4 |
Il suffit de donner l'As pour
affranchir trois levées dans la couleur, puisqu'on détient quatre cartes équivalentes.
Pour des questions de communication
entre les deux mains, il importe de commencer par jouer le Roi. Si Ouest prend, on pourra aller chercher les
trois levées du mort avec le 4. Sinon, on rejouera vers le 10, et on sera
du bon côté de la table pour continuer l'affranchissement. Une rentrée
au mort extérieure suffira pour profiter des cartes affranchies.
Jouer d'abord le 4 peut conduire à
la situation suivante: Ouest laisse passer le premier tour, et laisse encore le Roi faire la levée suivante. Il
faut cette fois deux rentrées au mort pour bénéficier de la troisième
levée :
l'une pour donner l'As, l'autre pour encaisser la dernière carte
maîtresse affranchie.
Un nouveau principe se dégage :
Pour affranchir des levées dans
une couleur asymétrique, il faut toujours commencer par jouer les cartes équivalentes de
la main courte.
Affranchissement de cartes non
équivalentes
Il n'est pas non plus nécessaire
de posséder des cartes toutes équivalentes pour procéder à un affranchissement d'honneurs. Ainsi:
R
V 5 |
9 6 4 A
D 8 7 |
10 3 2 |
La Dame d'Est peut prendre le Valet
ou le 10, l'As peut prendre l'un des deux honneurs restant, mais Sud finira toujours par affranchir une levée.
Le principe est le même avec
D 10 8 5 |
3 A
R V 7 |
9 6 4
2 |
Après avoir concédé l'As, le Roi
et le Valet, Sud disposera d'une carte maîtresse ... En fait, une fois la Dame capturée par l'adversaire, le
déclarant dispose bien de trois cartes équivalentes, tandis que la défense
n'a plus que deux cartes supérieures.
En résumé
Pour réussir un affranchissement,
il est nécessaire
- De posséder une carte
équivalente de plus que de levées à concéder.
- De disposer d'une longueur
suffisante, elle aussi supérieure au nombre de levées à concéder.
- Pour des raisons de
communication, il faut commencer par jouer les cartes de la main courte dans le cadre de couleurs asymétriques .
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